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Psychologie cognitive

La tyrannie de la catégorisation : Comment nos boîtes mentales déforment la réalité.

8 Mins de lecture4 juin 2025051 VuesLa rédactionLa rédaction
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Ima­gi­nez une valise par­fai­te­ment ordon­née. Chaus­settes pliées, che­mises sépa­rées, objets clas­sés par taille et uti­li­té. Cette orga­ni­sa­tion pro­cure une cer­taine satis­fac­tion. Mais que se passe-t-il si vous ten­tez d’y glis­ser un objet hybride, un vête­ment mi-for­mel, mi-spor­tif, ou un acces­soire à usage mul­tiple ? Vous hési­tez, vous for­cez, ou vous lais­sez de côté.

Notre cer­veau fait exac­te­ment cela avec la réa­li­té : il trie, regroupe, classe. Il caté­go­rise. Et s’il ne sait pas où ran­ger quelque chose, il le réduit, le déforme ou l’ignore.

Ce besoin fon­da­men­tal d’ordre cog­ni­tif est une arme à double tran­chant. S’il nous per­met de pen­ser vite et de sur­vivre, il limite aus­si notre com­pré­hen­sion du monde, enferme notre juge­ment et pave la voie aux sté­réo­types.


Catégoriser : un raccourci mental ancestral

Dans les années 1970, le psy­cho­logue amé­ri­cain David Rumel­hart, connu pour ses tra­vaux fon­da­men­taux sur les réseaux neu­ro­naux et le trai­te­ment paral­lèle dis­tri­bué (PDP), décri­vait les caté­go­ries men­tales comme des “sché­mas” per­met­tant au cer­veau de réduire la com­plexi­té du monde à des uni­tés gérables. Quand vous enten­dez le mot “oiseau”, votre esprit accède auto­ma­ti­que­ment à un ensemble d’attributs : ailes, plumes, chant, vol.

La caté­go­ri­sa­tion est donc une stra­té­gie d’efficacité cog­ni­tive. Elle sim­pli­fie, com­presse, modé­lise. Mais elle le fait sou­vent au prix de la richesse indi­vi­duelle des don­nées. Ce méca­nisme est pro­fon­dé­ment enra­ci­né dans notre évo­lu­tion : il a per­mis à nos ancêtres de réagir rapi­de­ment à des situa­tions mena­çantes ou fami­lières, en clas­sant ins­tan­ta­né­ment ce qui était comes­tible ou dan­ge­reux, ami ou enne­mi.

La psy­cho­logue amé­ri­caine Elea­nor Rosch, célèbre pour sa théo­rie du pro­to­type en caté­go­ri­sa­tion, a mon­tré que nous uti­li­sons des “caté­go­ries pro­to­ty­piques” — un rouge-gorge est un meilleur repré­sen­tant de la caté­go­rie “oiseau” qu’une autruche. Ce biais affecte non seule­ment notre per­cep­tion, mais aus­si notre juge­ment moral, social et poli­tique. Ce que nous consi­dé­rons comme typique devient la norme impli­cite, et tout ce qui s’en éloigne est vu comme mar­gi­nal, étrange ou sus­pect.

Ain­si, caté­go­ri­ser revient sou­vent à invi­si­bi­li­ser : les voix aty­piques, les formes hybrides, les nuances, les excep­tions dis­pa­raissent sous le poids du pro­to­type.

Quelle image men­tale sur­git spon­ta­né­ment en vous si l’on évoque le mot “scien­ti­fique” ? Et qui, peut-être, y est invi­si­bi­li­sé ?


De la catégorie à la prison : le poids des étiquettes

Une fois créées, nos caté­go­ries deviennent des boîtes her­mé­tiques. Elles filtrent la réa­li­té au lieu de l’éclairer. L’expérience clas­sique de Solo­mon Asch sur les impres­sions de per­son­na­li­té a mon­tré qu’un simple mot (“cha­leu­reux” ou “froid”) pou­vait orien­ter l’interprétation glo­bale d’un com­por­te­ment. Ce phé­no­mène révèle à quel point notre cer­veau aime les rac­cour­cis cohé­rents : si quelqu’un est per­çu comme cha­leu­reux, chaque action ulté­rieure sera inter­pré­tée à la lumière de cette éti­quette. L’inverse est tout aus­si vrai.

Ce méca­nisme porte un nom : l’ef­fet de halo. Il agit comme une lumière unique pro­je­tée sur un indi­vi­du ou un objet, qui colore tout le reste de notre per­cep­tion. Un détail posi­tif ou néga­tif suf­fit à tein­ter l’ensemble. Cette dyna­mique ren­force les biais de confir­ma­tion, soli­di­fie les pré­ju­gés, et crée des illu­sions d’homogénéité.

À force d’u­ti­li­ser ces boîtes men­tales, nous ces­sons d’interagir avec les per­sonnes, les idées ou les situa­tions telles qu’elles sont, et nous ne voyons plus qu’une pro­jec­tion pré­fa­bri­quée. La caté­go­rie devient un prisme, puis un masque, enfin une cami­sole cog­ni­tive. Ce qui devait aider à com­prendre finit par empê­cher de voir.

C’est ici que la caté­go­ri­sa­tion devient tyran­nique : elle ne se contente plus de décrire, elle pres­crit. Elle enferme. Elle décide à l’avance ce qui peut être enten­du, reçu, cru. Elle confond iden­ti­té et rôle, sin­gu­la­ri­té et sté­réo­type.

Micro-explo­ra­tion : Rap­pe­lez-vous d’une situa­tion où vous avez chan­gé d’a­vis sur quel­qu’un. Quelle éti­quette men­tale aviez-vous appo­sée ? Qu’est-ce qui l’a fis­su­rée ?


Catégories sociales : entre cognition et pouvoir

La caté­go­ri­sa­tion n’est pas qu’une affaire indi­vi­duelle : elle est aus­si poli­tique. En socio­lo­gie cog­ni­tive, on parle de “réi­fi­ca­tion” : le fait de trans­for­mer une construc­tion men­tale en chose réelle. Le mot “immi­gré”, par exemple, devient un groupe homo­gène, déshu­ma­ni­sant les his­toires sin­gu­lières.

Ces boîtes men­tales ali­mentent les sté­réo­types, les dis­cri­mi­na­tions, les réflexes de rejet. Elles nour­rissent les logiques d’ex­clu­sion autant qu’elles ras­surent sur notre propre iden­ti­té. Car la caté­go­rie, c’est aus­si le “nous” et le “eux”.

Le phi­lo­sophe Michel Fou­cault l’avait pres­sen­ti : nom­mer, c’est déjà exer­cer un pou­voir. Caté­go­ri­ser, c’est des­si­ner les fron­tières de l’acceptable, du visible, du pen­sable.

Et vous, quelles caté­go­ries sociales uti­li­sez-vous sans les ques­tion­ner ?


Le cerveau face à l’ambiguïté : intolérance ou moteur ?

Des études en psy­cho­lo­gie de la per­cep­tion montrent que notre cer­veau réagit mal à l’am­bi­guï­té. L’i­mage du canard-lapin de Witt­gen­stein illustre bien ce besoin de sta­bi­li­té : nous voyons soit l’un, soit l’autre, mais rare­ment les deux en même temps.

Cette aver­sion pour l’am­bi­gu nous pousse à clas­ser, à tran­cher, à choi­sir une inter­pré­ta­tion. Notre sys­tème cog­ni­tif est conçu pour pri­vi­lé­gier la cer­ti­tude, même au prix de l’erreur. Cela évite l’effort de main­te­nir plu­sieurs hypo­thèses concur­rentes actives à la fois, un pro­ces­sus éner­gi­vore. Mais dans de nom­breux domaines contem­po­rains — iden­ti­tés de genre, dyna­miques cultu­relles, rela­tions inter­cul­tu­relles, intel­li­gence arti­fi­cielle — l’ambiguïté n’est plus l’exception : elle est la matière même de la réa­li­té.

C’est pour­quoi déve­lop­per une tolé­rance à l’incertitude, apprendre à habi­ter les zones grises sans vou­loir immé­dia­te­ment les réduire à du connu, devient une forme supé­rieure d’intelligence cog­ni­tive. Cela implique de résis­ter à l’impulsion de nom­mer trop vite, de res­ter en contact avec l’expérience brute avant de la ran­ger dans nos tiroirs men­taux.

Exer­cice de per­cep­tion : Obser­vez une image ambi­guë (un cube de Necker, par exemple). Com­bien de temps pou­vez-vous main­te­nir la double per­cep­tion avant que votre cer­veau ne tranche ?


Défaire les boîtes sans sombrer dans le chaos

Peut-on pen­ser sans caté­go­ries ? Pro­ba­ble­ment pas. Mais peut-on pen­ser mal­gré elles ? Cer­tai­ne­ment.

Déve­lop­per une méta-conscience de nos clas­se­ments men­taux, ques­tion­ner leur per­ti­nence, cher­cher les cas-limites, voi­là des che­mins d’ouverture. Comme le pro­pose le phi­lo­sophe Paul Ricoeur, il s’agit moins de nier les caté­go­ries que de les rendre réver­sibles, poreuses, vivantes.

Car chaque caté­go­rie figée est une pen­sée qui meurt. Et toute pen­sée vivante, elle, sup­pose un mou­ve­ment, une res­pi­ra­tion cog­ni­tive. Cela ne signi­fie pas aban­don­ner toute struc­ture, mais apprendre à rendre nos struc­tures évo­lu­tives, sen­sibles au réel, per­méables à l’exception.

S’exercer à repé­rer les cas qui ne rentrent pas dans nos grilles, à dia­lo­guer avec ce qui résiste au clas­se­ment, à culti­ver une curio­si­té active plu­tôt qu’un juge­ment rapide : voi­là des gestes men­taux qui élar­gissent le champ de notre com­pré­hen­sion.

Quelle est la der­nière fois où vous avez chan­gé d’avis sur ce que vous pen­siez être « évident » ? Et si cette bas­cule était le signe d’une cog­ni­tion vivante ?


Déplier le monde au lieu de le plier

La caté­go­ri­sa­tion est une fonc­tion essen­tielle de l’esprit humain. Sans elle, notre cog­ni­tion serait noyée dans un flot d’informations trop vaste, trop mou­vant. Elle struc­ture notre per­cep­tion, guide nos déci­sions, sta­bi­lise nos repères. Mais cette bous­sole men­tale a un revers : elle peut se muer en car­can. Une carte trop rigide qui finit par nous faire confondre le ter­ri­toire avec le plan.

Nos boîtes men­tales sont comme des ori­ga­mis psy­chiques : elles plient la com­plexi­té du réel pour en faire des formes mani­pu­lables. Mais à force de plier, nous per­dons par­fois la tex­ture du papier. Ce qui devait éclai­rer finit par occul­ter. Ce qui devait nous aider à com­prendre finit par nous empê­cher de voir.

Pen­ser, ce n’est pas empi­ler des cer­ti­tudes, c’est déplier des pos­sibles. C’est accep­ter que cer­taines expé­riences ne rentrent dans aucune case. C’est tolé­rer que cer­tains visages échappent aux por­traits-robots de nos sché­mas. C’est vivre avec l’inconfort d’une réa­li­té tou­jours plus vaste que nos grilles.

Et vous, dans quel domaine de votre vie vous sur­pre­nez-vous à vou­loir tout ran­ger trop vite ? Quels visages, quelles idées, quels sen­ti­ments avez-vous clas­sés un peu trop tôt ? Seriez-vous prêt à les sor­tir de leur boîte, à les regar­der de nou­veau, à nu, sans éti­quette ?

Micro-explo­ra­tion pro­po­sée : pen­dant une jour­née, chaque fois que vous sur­pre­nez un juge­ment rapide sur­gir (“ce type est…”, “cette per­sonne pense comme…”, “je n’aime pas les gens qui…”), sus­pen­dez-le. Notez-le. Puis deman­dez-vous : quelle boîte men­tale ai-je ouvert là ? Est-elle encore utile ? Ou puis-je la redes­si­ner ?


Déplier le monde, c’est aus­si se déplier soi. Moins pour s’y perdre que pour mieux l’habiter — avec luci­di­té, avec nuance, avec une pen­sée vivante.

Et vous, quelles boîtes êtes-vous prêt à ouvrir aujourd’hui ? Avez-vous iden­ti­fié une caté­go­rie qui limite votre vision du monde ?


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